Centre de services scolaire
de Montréal

Centre de services scolaire de Montréal

L’école à l’hôpital – L’histoire de Marie-Josée et Maya

8 février 2024

Dans le cadre de la Semaine des enseignantes et enseignants, le CSSDM donne la parole à son personnel afin de faire briller les projets et actions qui sont portés au quotidien.

L'histoire de Marie-Josée et de Maya

L’école est sans aucun doute un des sujets chauds de l’actualité en ce moment. Plusieurs élèves ont manqué de nombreux jours d’école pendant la grève. Certains ont su tout de même en profiter, d’autres moins. 

C’est le cas des élèves avec qui je travaille. Ils n’ont malheureusement pas eu la chance de faire des activités ou de socialiser avec leurs amis puisqu’ils devaient rester à l’hôpital. Comme les enfants malades ne peuvent fréquenter l’école au cours de leur hospitalisation, c’est moi qui me déplace vers eux pour continuer l’école pendant la durée de leur séjour à l’hôpital. 

Mon nom est Marie-Josée Longpré, je suis enseignante-orthopédagogue à l’Hôpital de Montréal pour enfants. Je vous écris aujourd'hui parce que j'aimerais faire connaître le Service scolaire en milieu hospitalier du Centre de services scolaire de Montréal et tenter ainsi de le faire briller à la hauteur de ce qu’il apporte aux enfants malades.

Le Service scolaire en milieu hospitalier a été créé en 1937. Deux enseignantes employées de la CÉCM assuraient des activités d’enseignement aux enfants hospitalisés. Au milieu des années 1970, la scolarisation en milieu hospitalier connaissait un nouvel essor suite à des ententes entre le ministère de l’Éducation et le ministère de la santé et des Services sociaux.

Pourtant encore aujourd’hui, il demeure méconnu du grand public. Les parents sont étonnés de me voir arriver dans la chambre de leur enfant et ils en sont bien sûr ravis. Voir leurs enfants poursuivre les apprentissages scolaires malgré la tempête qu’ils doivent traverser apporte un grand réconfort et aussi de l’espoir aux parents. Vivre des réussites, des accomplissements et continuer leur vie « d’élève » fait partie du plan de traitement.

Mes élèves sont tous de petits héros pour moi. Ils vivent des défis hors du commun au niveau de leur santé physique et mentale et les épreuves qu’ils affrontent sont bien souvent inimaginables pour le commun des mortels. Je m’efforce tous les jours de rendre ma période d’école avec eux la plus normalisante et agréable possible. Mon travail me demande de faire preuve d’une grande flexibilité puisque je dois constamment m’adapter à leur condition médicale. Mon horaire varie énormément dans une journée pour assurer que j’offre le maximum de temps de qualité à chacun d’eux. 

Ma clientèle est constituée d’enfants de la maternelle à la sixième année du primaire. Chaque jour, je dois donc trimbaler sur mon chariot tout le matériel nécessaire et parcourir les différents étages de l’hôpital à la rencontre de mes élèves, devant bien souvent faire usage de plans B, C et D selon leur condition médicale.

Il est primordial pour moi de créer un lien de confiance solide avec mes élèves puisqu’il s’agit d’un facteur essentiel de la réussite scolaire. De nombreuses recherches démontrent que la relation entre les élèves et leurs enseignants influence beaucoup leurs apprentissages.

La majorité de mes élèves sont en traitement d’oncologie et demeurent donc à l’hôpital pour un long séjour. Certains doivent faire de la dialyse trois fois par semaine et d’autres sont hospitalisés pour différentes raisons qui exigent une hospitalisation plus ou moins longue. 

En plus de l’Hôpital de Montréal pour enfants, mon équipe compte des enseignants à l’Hôpital Ste-Justine, à l’Hôpital en santé mentale Albert-Prévost et au Centre de réadaptation Marie-Enfant. Dans chacun de ces milieux hospitaliers se trouve une équipe d’enseignants du primaire et du secondaire où nous enseignons les deux matières de base (mathématique et français).

Je me rappellerai toujours de ma toute première élève à qui j’ai enseigné à l’Hôpital Ste-Justine. Ça remonte à la rentrée scolaire en août 2009. L’été de ses 5 ans, alors que Maya devait commencer la maternelle comme tous les enfants de son âge, sa vie, celle de ses parents ainsi que celle de son petit frère ont basculé suite à son diagnostic de leucémie.

Maya et Marie-Josée en 2009 

Maya a donc vécu sa première journée d’école avec moi à l’hôpital. Quand je me suis présentée à elle, elle était vraiment très emballée de commencer la maternelle. Nous avons fait les deux premières journées ensemble, ça tombait un jeudi et un vendredi. Le lundi suivant, à mon arrivée dans sa chambre, Maya était cachée sous ses couvertures dans son lit et elle m’a dit qu’elle ne voulait plus me voir. Sa mère m’a alors expliqué rapidement qu’elle était fâchée que je ne sois pas venue les deux jours précédents (samedi et dimanche). Même si elle ne voulait pas sortir de sous ses couvertures, je lui ai tout de même parlé afin de lui expliquer l’horaire d’une semaine d’école, ce qu’elle a fini par comprendre. J’ai ensuite fabriqué avec elle un immense calendrier que nous avons installé sur son mur afin qu’elle ne soit plus jamais déçue de ne pas me voir arriver dans sa chambre la fin de semaine.

Plusieurs semaines ont suivi et malgré ses traitements de chimiothérapie, Maya a réalisé de nombreux apprentissages. Elle a appris le nom et le son des lettres de l’alphabet, elle a appris et joué avec les nombres, elle était championne dans les activités de conscience phonologique, elle apprenait des chansons et elle réalisait de vrais petits chefs d’oeuvre qui la rendaient très fière. Maya était un réel petit rayon de soleil et je souhaitais que son entrée à l’école soit la plus amusante et stimulante possible malgré les circonstances et tous les défis qu’elle devait surmonter pendant son hospitalisation.

En décembre 2009, son petit frère Justin, alors âgé de 3 ans, lui a sauvé la vie grâce à une greffe de moelle osseuse. Maya a ensuite eu son congé de l’hôpital au mois de janvier. Elle a pu continuer l’enseignement à domicile avec une autre enseignante puisqu’elle ne pouvait pas retourner à son école étant donné sa situation médicale qui était encore fragile après sa greffe. L’année suivante, elle a pu compléter toute sa première année à son école.

Maya a maintenant 20 ans et elle étudie à l’Université McGill. Elle souhaite devenir infirmière pour pouvoir soigner des enfants malades à son tour. Nous sommes toujours restées en relation depuis sa guérison, il y a maintenant 14 ans.

En décembre dernier, elle a communiqué avec moi parce qu’elle avait deux surprises à m’annoncer. La première était pour m’informer qu’elle avait eu une entrevue et qu’elle allait peut-être travailler comme préposée aux bénéficiaires à l’hôpital Ste-Justine cet été.

La deuxième était que nous allions pouvoir nous côtoyer quelques fois cet hiver puisque son prochain stage était à l’hôpital de Montréal pour enfants, là où je travaille actuellement. Ces deux nouvelles m’ont énormément émue. La petite Maya, à qui j’ai eu le plaisir d’enseigner en 2009, allait devenir une collègue de travail cet hiver.

Nous nous sommes donc donné rendez-vous à l’hôpital le 30 janvier dernier pour dîner ensemble. Elle m’a montré fièrement son équipement de travail ainsi que son uniforme. Et moi, je l’ai présentée fièrement aux collègues que j’ai croisés. Maya est très heureuse de faire ses études pour devenir infirmière. Elle travaille fort pour y arriver et elle est toujours aussi rayonnante.

Maya et Marie-Josée en 2024

Tout comme Maya, plusieurs enfants et adolescents hospitalisés séjournent à l’hôpital pour plusieurs mois. Ils peuvent poursuivre leur cursus scolaire grâce au Service scolaire en milieu hospitalier. De plus, les élèves hospitalisés pendant les périodes d’examen réalisent leurs évaluations avec nous, même les examens ministériels y sont administrés au besoin.

Le service scolaire répond aux besoins des élèves qui, en raison de leur santé, ne peuvent pas être autonomes dans leur parcours scolaire. Plusieurs présentent aussi des difficultés d’apprentissage. Les enseignants qui travaillent dans les hôpitaux ne pourraient être remplacés par de l’enseignement virtuel. D’ailleurs, les écrans sont déjà bien présents dans la vie des jeunes. À l’hôpital, cela ne fait pas exception, d’autant plus que les jeunes sont souvent confinés dans leur chambre. L’impact négatif des écrans chez les jeunes est un sujet très préoccupant depuis la pandémie et il est maintenant bien connu que leur utilisation prolongée peut entraîner des conséquences néfastes sur le développement physique, cognitif et émotionnel des enfants.

L’aide individuelle apportée par les enseignants, le lien de confiance et de bienveillance bâti et les petits moments de complicité ne pourront jamais être remplacés par quelqu’un derrière un écran. Le contact humain est primordial dans le contexte de mon travail. Souvent, la période d’école est un des rares moments normalisants que les jeunes ont dans leur journée.

Je vous remercie de l’attention que vous portez au Service scolaire en milieu hospitalier de façon à le faire briller pour que jamais il ne s’éteigne…

Marie-Josée Longpré
Orthopédagogue au Service scolaire en milieu hospitalier
Hôpital de Montréal pour enfants

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